Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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18,00
Conseillé par (Libraire)
20 avril 2023

L'histoire se déroule à Lyon en 1868-1869. Debout, douze heures par jour, elles sont quatre "ovalistes" qui tissent et apprêtent le fil de soie sur les bobines des moulins dans un atelier de forme ovale. Elles vivent sur place, au service des machines dans des conditions de vie et de travail misérables, pour un maigre salaire. Clémence Blanc est de Lyon, Marie vient de Savoie, Toia est du Piémont, Rosalie est de la Drôme, toutes sont très jeunes et isolées, elles ne savent ni lire ni écrire, elles portent déjà le poids de leurs vies compliquées, abîmées. Ce sont ces pauvres filles, ces invisibles que le roman va rendre visible, les détachant dans la foule anonyme des grévistes.

Un an avant la Commune de Lyon, en juin 1869, s'enhardissant, les ovalistes se mettent en grève pour obtenir de meilleurs salaires, gagner 2 francs de l'heure comme leurs camarades masculins, les mouliniers, et non pas 1,40 franc. Elles veulent un lit à soi dans les dortoirs, de meilleures conditions de travail. Environ deux mille femmes s'arrêteront de travailler. Elles s'organisent d'abord aux Brotteaux dans les gros ateliers de tissage. On les verra à la Guillotière, aux Chartreux, sur les pentes de la Croix-Rousse. Elles crient, manifestent, sont dans les rues. La grève va durer, sans qu'elles gagnent.
À cette époque, Lyon a déjà connu des grèves, les canuts se sont violemment révoltés et le sang a coulé. Cette fois, il ne sera pas versé, non pas parce que les femmes seraient moins violentes que les hommes, mais parce que leur rage est en elles, parce qu'elles sortent de leur isolement, parce qu'elles se mettent en bandes, parce qu'elles cessent d'être invisibles.
La grève durera avant d'être cassée. Elles auront perdu, mais pas tout. Pour ces femmes grévistes, rien ne sera plus comme avant. Maryline Desbiolles montre ces quatre filles de peu dans une course de relais où elles se passent le témoin, soudées dans la course vers un objectif commun, comme on est dans une grève. Le roman donne des noms à ces invisibles totalement imaginées par l'autrice, il atteste de leur existence. L'écriture est riche, poétique, sinueuse, militante, énervée, rapide, résumant ainsi l'intensité de leur combat.

Conseillé par (Libraire)
12 avril 2023

Pour faire plaisir à sa fille, il tire sur des ballons de baudruche à la fête foraine, sa mère mère applaudit. Elle se tourne vers sa fille, Nina n'est plus là. Moments d'angoisse totale, "épouvantable". Ils la cherchent. Nina est retrouvée le lendemain matin, saine et sauve. Elle dit avoir suivi un petit chat aux yeux jaunes, s'être perdue dans la forêt avant de se réfugier dans une cabane de chantier.

La mère, Emma, 43 ans, professeure de peinture aux Beaux-Arts, ne croit pas ce que raconte sa fille,  "Je connais ma fille, ça ne lui ressemble pas". Même le test ADN n'ébranle pas sa certitude que le fillette qu'on lui a rendu est sa propre fille. Car Emma sait regarder Sa formation lui donne de connaître les secrets de des formes, des couleurs, des illusions optiques. Non, ce n'est pas sa fille, mais alors, qui est-elle ?
Stéphanie Kalfon écrit une histoire délirante et inquiétante selon le point de vue d'Emma. Avec une langue acérée, elle décrit le délire de cette mère qui voit bien que Nina connaît l'histoire de la famille, qu'elle attend certains gestes intimes jamais donnés à d'autres que sa fille, mais elle veut qu'on lui rende la "vraie". Son mari tente en vain de calmer ses doutes. Désespérée et fatiguée, Nina se rend complice de sa mère en jouant la fausse fille qui, sensible à sa dérive, va l'aider à retrouver la "vraie".
L'auteure manie son écriture de façon à nous entraîner dans le délire de la mère. Parfois, on se demande si on n'est pas en train de vriller ? Si elle n'a pas raison ? Si ce sont des voix qu'elle entend. C'est inquiétant, angoissant et troublant d'être, par l'écriture, très près de cette mère qui n'arrive pas à reconnaître son enfant, qui peut-être n'arrive pas à l'aimer telle qu'elle est..
L'intrigue est impeccablement construite et la tension est maintenue tout au long du roman. Le livre fermé, l'histoire peut obséder pendant quelques temps...

Conseillé par (Libraire)
10 avril 2023

Dans un camping des Catlins, à l'extrême sud de la Nouvelle-Zélande, vivent deux femmes, Autumn la mère, et sa fille, Millis. Dans cet endroit isolé arrive Flore, une parisienne qui va y travailler pour payer son séjour.

Au début, Flore semble être une toute jeune fille qui ne sait rien de la vie, en tout cas rien de la vie dans cette nature sauvage en territoire maori. Elle s'installe dans un chalet et se met au travail, acceptant toutes les tâches et les menant à terme avec détermination. Elle semble oublier quelque traumatisme dans cette abnégation. Peu à peu elle tisse une amitié avec Millis, ce qui inquiète un peu Autumn. Millis a toujours vécu dans ce camping, sauf le temps de ses études. Bien qu'elle ne soit pas maorie, elle connaît les mythes et légendes et pour les Maories, elle est la fille de la mer, celle qui nage tous les matins et va au contact des dauphins et des otaries. Peu à peu, Flore va se rapprocher de Millis jusqu’à l'aimer, découvrir la beauté de la nature de cette contrée isolée et sauvage de la baie de Curio et à son contact, affronter son passé et se reconstruire.
Dans ce roman, on retrouve beaucoup de cette thématique présente dans ses précédents romans, où des personnes ayant un passé douloureux se reconstruisent en quittant la civilisation et en s'immergeant dans la nature. Mais ici, ces femmes ne sont pas que des "belles personnes", elles ont des défauts, se conduisent mal. Comme Flore, qui aurait pu se complaire dans sa vie parisienne avec Paul, dans l'attente de la maternité, sous l'emprise de sa belle-mère, et qui choisit des adultères glauques pour casser son "beau" mariage. Son évolution dans ce camping la rend belle et émouvante.
Ces femmes vivent dans l'extrême sud de la Nouvelle-Zélande. Autumn et Millis sont des solitaires qui ne fréquent qu'un vieux voisin, elles parlent peu, mènent une vie simple, travaillent beaucoup dans leur camping. On s'attendrait plutôt à voir des hommes gérer cet endroit isolé, malmené par les tempêtes. Dans cette dure réalité, Flore apporte une autre façon de vivre, d'être en relation, une histoire douloureuse qui ouvre Autumn et Millis à une autre réalité. D'une certaine façon, elle les humanise, les décentre d'elles-mêmes, elle aide Autumn à laisser partir Millis et Millis à décider de son avenir.
Mélissa Da Costa continue de nous livrer des romans "feel-good", mais cette fois, avec une histoire de femmes qui sont loin d'être parfaites et vivent, solidaires et libres, loin de tout "Si tu te demandes ce que nous faisons ainsi loin des hommes, je vais te le dire, nous veillons sur notre petit univers. Nous veillons les unes sur les autres". Son écriture est fluide, ses descriptions de la région des Catlins sont belles et poétiques et les légendes maories sont dépaysantes à souhait.
Une agréable lecture.

Conseillé par (Libraire)
8 avril 2023

Des années 1970 à nos jours, l'histoire de la disparition des Chantiers de La Seyne-sur-Mer, une des citadelles ouvrières que ceux qui en étaient ne pensaient qu'elle ne disparaîtrait jamais.
Le narrateur, Narval, y a travaillé comme graisseur, dans La Machine, au plus bas du bateau, dans la chaleur, le bruit, l'inconfort.
Les ouvriers des Chantiers ont connu l'arrivée de la gauche en 1981 et ont mis beaucoup d'espoirs dans la politique sociale de Mitterrand. Quand l'annonce d'une possible fermeture des Chantiers se répand, Narval va lutter avec ses camarades avant de quitter les chantiers et de se reconvertir.
Le narrateur se remémore sa jeunesse, sa vie avec sa compagne très aimée, le contexte économique et social de l'époque, l'arrivée de la gauche au pouvoir, la déception qui s'ensuit. Avec lui, on fait connaissance du travail dans la Machine, de ses camarades, de la solidarité profonde qui les unis au-delà de leurs différences et de leurs divergences d'idées, de l'amour du travail bien fait, de leur fierté.
Mais après le choc de la fermeture des Chantiers, on voit arriver le scandale de l'amiante. La manipulation de l'amiante est décrite avec une précision documentaire et fait bien comprendre que des ouvriers aient été empoisonnés. Le danger était connu des autorités sanitaires et industrielles, ce qui pousse Narval dans la lutte judiciaire.
Ce que nous décrit Christian Astolfi est d'une telle justesse qu'on pourrait croire à un récit autobiographique. Avec une écriture simple mais puissante, il dit très bien la fraternité ouvrière, la grandeur des travailleurs manuels, le vide que crée les fermetures d'usines, les drames humains qu'elles provoquent. En décrivant les conséquences de la manipulation de l'amiante, il indigne le lecteur qui comprend l'ignominie d'un système qui ne voit que le profit, et qui a été si longtemps impuni.
Le récit de Christian Astolfi est calme, sans colère, il s'attache à ce que l'histoire de la fermeture des Chantiers et du scandale de l'amiante ne cache pas l'humanité des personnages, décrite avec une belle sensibilité et de l'affection.
Un beau roman très émouvant qui m'a rappelé, dans un autre genre et une autre tonalité, L'établi de Robert Linhart (Éd. De Minuit).

Conseillé par (Libraire)
8 avril 2023

Des années 1970 à nos jours, l'histoire de la disparition des Chantiers de La Seyne-sur-Mer, une des citadelles ouvrières que ceux qui en étaient ne pensaient qu'elle ne disparaîtrait jamais.

Le narrateur, Narval, y a travaillé comme graisseur, dans La Machine, au plus bas du bateau, dans la chaleur, le bruit, l'inconfort.
Les ouvriers des Chantiers ont connu l'arrivée de la gauche en 1981 et ont mis beaucoup d'espoirs dans la politique sociale de Mitterrand. Quand l'annonce d'une possible fermeture des Chantiers se répand, Narval va lutter avec ses camarades avant de quitter les chantiers et de se reconvertir.
Le narrateur se remémore sa jeunesse, sa vie avec sa compagne très aimée, le contexte économique et social de l'époque, l'arrivée de la gauche au pouvoir, la déception qui s'ensuit. Avec lui, on fait connaissance du travail dans la Machine, de ses camarades, de la solidarité profonde qui les unis au-delà de leurs différences et de leurs divergences d'idées, de l'amour du travail bien fait, de leur fierté.
Mais après le choc de la fermeture des Chantiers, on voit arriver le scandale de l'amiante. La manipulation de l'amiante est décrite avec une précision documentaire et fait bien comprendre que des ouvriers aient été empoisonnés. Le danger était connu des autorités sanitaires et industrielles, ce qui pousse Narval dans l lutte judiciaire.
Ce que nous décrit Christian Astolfi est d'une telle justesse qu'on pourrait croire à un récit autobiographique. Avec une écriture simple mais puissante, il dit très bien la fraternité ouvrière, la grandeur des travailleurs manuels, le vide que crée les fermetures d'usines, les drames humains qu'elles provoquent. En décrivant les conséquences de la manipulation de l'amiante, il indigne le lecteur qui comprend l'ignominie d'un système qui ne voit que le profit, et qui a été si longtemps impuni.
Le récit de Christian Astolfi est calme, sans colère, il s'attache à ce que l'histoire de la fermeture des Chantiers et du scandale de l'amiante ne cache pas l'humanité des personnages, décrite avec une belle sensibilité et de l'affection.
Un beau roman très émouvant qui m'a rappelé, dans un autre genre et une autre tonalité, L'établi de Robert Linhart (Éd. De Minuit).