Évelyne L.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Après le Morvan puis les vignobles champenois, après l'Albanie, Sandrine Collette continue son tour du monde du roman noir en partant pour la Patagonie. Nous voici en immersion au sein du ferme de gauchos dirigée par une mère tyrannique dont les seuls employés, ou plutôt esclaves, sont ses quatre fils.
Et nous allons suivre la décadence de cette famille, commencée depuis longtemps, car comment faire face aux superstructures agricoles gérant des milliers de têtes de bétail ? Les petits élevages sont amenés à disparaître, la viande ne rapporte plus assez, ils ont été repoussés dans les terres hostiles et peu généreuses en céréales. La mère décide de ne pas voir, de ne pas renoncer, quitte à laisser ses garçons se mener une guerre impitoyable pour la place de dominant, quitte à laisser son dernier Rafael subir les pires traitements tel le seul objet de distraction dans cette misérable pampa.
Seulement malgré tous les efforts de la mère pour maintenir le joug bien serré, il lui est impossible d'éviter les contacts avec le monde extérieur. Et ces échanges ne sont pas sans conséquence, la fratrie ne peut pas ne pas voir que « les autres » fonctionnent bien différemment, voire pire encore : découvrir que l'espoir existe, et Rafael, si peu armé pour affronter la violence, sera l'un de ses principaux porteurs.

Sandrine Collette nous a déjà démontré sa capacité à nous embarquer dans des intrigues à l'ambiance de plus en plus épaisse. Ne rêvez pas, vous n'y échapperez pas plus cette fois-ci. La richesse des personnages est saississante. Notre auteur nous a aussi habitués à être immergés dans des milieux hostiles, ce roman ne fait pas exception. Et pourtant Sandrine Collette a une capacité à se renouveler absolument étonnante. Il reste la poussière se rapproche encore plus du Nature Writing, en s'écartant du roman noir pour venir flirter avec le roman, tout simplement et avec grand talent. Et honnêtement, Sandrine Collette n'a vraiment pas à rougir devant quelques spécialistes de cette littérature : David Vann, Ron Rash ou encore Pete Fromm pour ne citer qu'eux.

Compostelle malgré moi

Folio

8,30
Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Immortelle randonnée est le récit d'un pèlerinage vers Compostelle.
Le récit de Compostelle est une catégorie à part du récit de marche : le mot « pèlerinage » induit une dimension spirituelle, voire religieuse à ce voyage. Ce ne sont plus seulement les paysages, le dépassement de soi ou l'introspection qui sont au cœur du récit.
Quand Jean-Christophe Rufin écrit Immortelle randonnée en 1993, le récit de marche est à la mode, et le récit de Compostelle galvaudé. Rufin est donc confronté à une double interrogation : comment « faire » Compostelle de façon personnelle quand le Chemin est une autoroute à touristes ? comment renouveler un genre aussi couru que le Chemin lui-même ?
Pour répondre à la première question, l'auteur décide de prendre le Chemin le plus compliqué, le moins fréquenté, celui du Nord, pour fuir ses congénères. Pour répondre à la seconde, il tente de faire la peau aux poncifs du récit de Compostelle. Avec humour et malice, il tord le cou au mythe de spiritualité en révélant par exemple que le Chemin est le plus grand lieu de drague des Européens de plus de quarante ans ! C'est la trivialité même des détails qui rend le récit véridique et surtout personnel. Exit la spiritualité !
Pourtant, la grande force du texte de Rufin, c'est de nous prendre à contre-pied en réintroduisant du spirituel là où il l'avait ôté quelques lignes plus tôt. Cependant, c'est une spiritualité à la Jacques le Fataliste : une philosophie moqueuse mais plus profonde qu'il n'y paraît. La très grande fréquentation du Chemin semblait lui avoir fait perdre tout sens, et pourtant le sens réapparaît en chemin. C'est alors que l'on comprend vraiment le sens du sous-titre : Compostelle malgré moi.
Ce texte, comme le Chemin de Compostelle, n'est pas ce qu'il semble être tout en l'étant tout de même : un tour de force.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Joseph est commis de ferme. Sans doute parmi les derniers dans ce monde rural qui a beaucoup évolué, s'est mécanisé, s'est dépeuplé... Joseph est un peu hors du temps, un peu anachronique. Joseph est resté sur la terre quand son frère partait pour la ville. Il est resté pour ne pas laisser la mère seule, parce que c'était moins compliqué aussi, parce que c'était ne pas choisir. Mais, sans le regretter vraiment parce qu'il aime les bêtes et qu'il sait y faire, il voit bien toutes les choses qui ne lui sont pas arrivées : le mariage, les enfants notamment...
Un texte simple en surface mais qui fourmille en profondeur pour dire la condition paysanne aujourd'hui.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

Coup de coeur d'Evelyne

Pendant presque 40 ans, la France entière a suivi les rebondissements de l'affaire Agnelet/Le Roux, s'est demandé si Maurice Agnelet, l'avocat roué et séducteur, avait vraiment tué Agnès Le Roux, sa maîtresse et riche héritière, et si oui, qu'était-il advenu du corps de cette dernière. En 2014, le troisième procès Agnelet s'ouvre à Rennes, sans grand espoir de dénouement réel ; et là, coup de théâtre, Guillaume, le fils, vient témoigner contre son père, et mettre fin à un feuilleton judiciaire inextricable.
Le tour du force du texte de Pascale Robert-Diard, qui en tant que chroniqueuse judiciaire pour Le Monde était aux premières loges, c'est d’adopter le point de vue du fils, d'emmener cette histoire sur le terrain du romanesque et du mythologique : c'est l’histoire d'un secret de famille qui devient tellement lourd à porter pour l'un des protagonistes qu'il s'enfonce peu à peu dans le dépression, puis craque pour se libérer. C'est l'histoire d'un fils qui refuse d'être emporté par les crimes de son père.
Ce livre, qu'on peut lire comme un roman, comme un polar, comme un mythe, vous happe et ne vous lâche plus ! En effet, le style impeccable et implacable de Pascale Robert-Diard nous tient en haleine et dans ce récit, tout est fascinant et tout est vrai.

Conseillé par (Libraire)
29 avril 2019

coup

« Je vivais autrefois comme tout le monde. Et à l'époque, cette vie-là me convenait. J'avais un métier, une compagne, une voiture et des rêves plutôt communs. Je n'étais peut-être pas heureux... mais au moins n'étais-je pas malheureux. Ce qui n'est déjà pas si mal. » Ainsi débute La France sur le pouce, road-trip autobiographique d'olivier Courtois.
Une rupture amoureuse et une démission professionnelle suffiront à pousser Olivier Courtois hors de nos conforts habituels. Ce pas de côté, c'est lui qui l'a choisi : il a décidé de faire le tour de la France en stop, de tenter une autre vie, radicale mais pas marginalisante. En effet, Olivier garde ses réflexes de reporter et ouvre grand ses oreilles aux automobilistes qui ont la gentillesse de le prendre dans leur véhicule. Et ce tour de France ressemble peu à peu à une psychanalyse mobile d'une certaine France, celle des campagnes et des petites villes (les grandes sont peu propices à l'auto-stop) : l'ouvrier sans boulot, le père divorcé, la junkie, les malfrats mystérieux, les retraités amoureux...
Olivier Courtois est reporter :il transforme ces expériences en reportages. Et il fait de même avec ce voyage profondément personnel : il nous le transmet, pour notre plus grand profit et notre plus grand bonheur. N'étant pas dessinateur, c'est Phicil qui prend les crayons pour dépeindre cette France, tendre, belle mais parfois dure aussi.