Isabelle L.

Conseillé par
18 février 2011

Excellent livre, un des meilleurs de la rentrée 2010

Lila, une enfant puis une jeune fille traumatisée par les maltraitances subies dans ses premières années, se trouve soignée dans un « Centre » totalitaire où ses moindres faits et gestes sont constamment épiés par une caméra, tandis que s’impliquent auprès d’elle des « tuteurs », thérapeutes cherchant à la conformer à un moule de normalité, pour son bien, prétendent-ils, alors qu’elles voit dans leurs efforts une tentative de contrainte et d’éloignement par rapport à une mère qu’ils disent indigne et déchue de ses droits, mais dont elle se rappelle l’amour et le sourire lumineux. Surdouée, mais agoraphobique, et presque autiste dans sa peur du contact de l’autre, elle s’attache cependant durant son parcours vers l’âge adulte et l’indépendance, à des figures paternelles remplies d’affection à son égard. Son autonomie acquise, elle mettra sa liberté relative au service d’une recherche désespérée de sa mère et de la vérité sur sa prime enfance.

Dans un décor orwellien de contrôle totalitaire de la population, situé dans un futur assez proche pour nous présenter une extrapolation des dérives technologiques et sécuritaires de notre propre société, ce roman d’anticipation est aussi un roman de formation et de suspense psychologique par sa quête obstinée et éperdue de la mère. Ecrit avec beaucoup de pudeur et de maîtrise, il nous fait suivre, avec une grande justesse dans l’évocation des sentiments de l’héroïne, ses tribulations dans un univers de contrainte, à la recherche de sa vérité profonde, qui lui permettra de réconcilier les différentes facettes de son identité brisée.
Excellent livre, qui se lit d’une traite.

Conseillé par
9 décembre 2009

Vers la Ville

Dans ce très beau roman, le narrateur, issu d’une famille turque contrainte à l’exil en France à la fin de son enfance, est devenu un adulte insomniaque, vivant et travaillant à Londres, où il essaie de soigner une névrose qui semble miner ses dernières forces. Un concours de circonstances lié au décès de son père l’amène à retourner à Istambul, une ville qu’il a voulu, dès son arrivée en France, chasser de son esprit. Mais si « la forme d’une ville / change plus vite, hélas que le cœur d’un mortel », il va y voir ressurgir les souvenirs enfouis de son passé : voix, sons, parfums, lumières, vont le guider dans sa « Recherche du temps perdu ». L’évocation de ses impressions enfantines et le récit de ses découvertes dans l’Istambul actuelle alternent au fil des chapitres. On ne révélera pas ici l’aboutissement de sa quête, de cette sorte d’étrange thérapie…

Si la trame romanesque reste extrêmement mince – recherche d’un manuscrit perdu, sénilité de la mère, séisme meurtrier – il faut lire ce livre superbe pour la justesse et la beauté des évocations de la Ville, pour l’analyse profonde des êtres et de leurs raisons d’exister, pour le va et vient entre nostalgie et quête de soi-même, pour la qualité et la densité du style.
Enfin un vrai livre, pourrait-on dire… Ce roman se déguste comme un verre du meilleur raki ou comme un thé parfumé qui réchaufferait non les doigts, mais l’intelligence et la sensibilité du lecteur.