Librairie Gargan'Mots

Conseillé par (Libraire)
2 février 2017

Dans ce texte de quelques soixante pages, Julia Kerninon a réuni toute l’expérience et le talent qui font d’elle, jusqu’au plus profond de son âme, un écrivain.
Elle façonne et capture, telle une sculpteuse caressant la glaise, toute l’expression des mots et ce qu’ils évoquent en nous d’images, de souvenirs, d’émotions.
Le jour où elle franchit la porte de la librairie Shakespeare et Company, qu’elle a connue depuis sa naissance par un dessin affiché sur un des murs du salon, elle écrit: « C’est la sensation la plus forte que j’avais jamais éprouvée, en cinq ans et demi d’enfance – j’avais retrouvé le vaisseau qui m’avait amenée sur cette terre,… »
On entre naïf dans ce récit qui nous livre des moments savoureux de l’enfance et nous laisse goûter la beauté du lien précieux qui peut unir les enfants à leurs parents ; la chance de pouvoir grandir librement avec des racines cultivées avec amour.
Nous traversons, pourtant du haut de ses trente ans seulement, les milles vies de l’auteur.
Elle nous cède par morceaux et anecdotes son histoire, avec et surtout cette volonté farouche de nous dire ô combien, de la littérature aussi vaste soit-elle, émane un monde. Celui dont on peut rêver et apprendre sans cesse. Celui que l’on se construit, tapis n’importe où, pourvu que l’on possède de quoi lire. Et celui aussi pour lequel il faut se battre pour se donner le droit et les moyens d’écrire ; pour espérer être reconnu et se reconnaître, enfin, et exercer le métier qu’on a toujours voulu faire : écrivain.
Face à ces vies plurielles et aux séismes que la réalité peut provoquer, elle donne une parole véritable, parfois incantatoire pour retrouver son équilibre.
Comment vous dire, loin d’un exercice de style, Julia Kerninon témoigne ici d’un rapport certain de lutte, tout à la fois passionnelle et passionnée autour des mots et du sens qu’ils prennent dans la vie d’un auteur. Elle propose aussi une plus large réflexion sur la valeur que celui-ci peut décider, quoi qu’il arrive, de donner à son existence.
De cette activité respectable, œuvre littéraire unique et séduisante, on ressort un peu gai, un peu hébété, ému, avec l’impression, aussi, d’avoir eu la chance d’assister à la naissance d’une écrivaine.
Et pour ma part avec l’envie également de lire tous ses autres livres !

Manon

Prix Renaudot des Lycéens - 2016

Alma Éditeur

18,00
Conseillé par (Libraire)
2 février 2017

En ce début de XXème siècle, Marie quitte Vienne avec sa fille Magdalena, en y laissant une partie d’elle-même. Elle y apprit et aima son métier de maïeuticienne auprès d’un docteur qui fut son professeur, son amant, mais malheureusement jamais un père ni un mari légitime.
Les premières pages du roman se tournent déjà sur son histoire et c’est Magda, sa fille, qui nous raconte cette nouvelle vie, là où elles ont rejoint la terre natale de Marie, en Tchécoslovaquie. Celle-ci y a épousé le tenancier d’un bistrot, et donné naissance à une autre fille : Rose.
Dans le microcosme de ce village, nous allons suivre avec souvent toute la candeur de l’enfance et l’innocence qui mène à l’âge adulte, toutes ces femmes. Les mères, les filles, les filles-mères, bâtardes aux yeux de tous de génération en génération : Magda, Libuse, Eva. Belles mais aux libertés entravées. Fortes mais souvent désabusées. Aimantes ; oui, cela ne peut leur être enlevé.
Comme une ritournelle, quels qu’en soient les artifices ou les giboulées de soleil qui s’offrent à elles, elles traversent le siècle et l’Histoire, nourrissant l’espoir à la fois fou et censé qu’elles pourront renoncer à une vie qu’elles n’ont pas choisi.
Dans ce très beau roman choral aux accents profonds et étourdissants, Lenka Hornakova-Civade invoque avec beaucoup de tendresse les femmes de son pays, en choisissant pour notre plus grand plaisir de lecteur sa langue d’adoption : le français.

Manon

Éditions Gallmeister

24,00
Conseillé par (Libraire)
19 janvier 2017

Quelques phrases et nous voilà transporté au bord du Grand Lac salé de salt Lake city. Inventaire poétique des richesses ornithologiques de ce royaume aquatique, ce récit est une véritable respiration. Mais il est aussi un humble hommage à la puissance de la nature, face à laquelle se retrouvent tous les êtres vivants, confrontés dans cette région à une montée des eaux déstabilisatrice, destructrice Alors que Terry Tempest Williams assiste à ce drame écologique, elle apprend que sa mère est atteinte d'un cancer. Ces deux événements l'engagent sur un long chemin vers l'acceptation de la perte et lui enseignent que la vie nous invite à toujours nous réinventer.

Anne-Laure

Conseillé par (Libraire)
26 août 2016

Le principe de la collection Incipit est de proposer à des écrivains de s’approprier une « première fois historique » pour en faire un objet littéraire personnel. Philippe Jaenada part donc des premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne et en particulier de la victoire du marathonien grec Spiridon Louis. Il en profite pour nous évoquer l’Antiquité, Coubertain (pas tout à fait l’humaniste désintéressé que l’on pourrait s’imaginer), la vie en Grèce à la fin du XIXeme siècle, et le déroulement des diverses épreuves de ces premiers Jeux. Il en profite surtout pour nous donner sa vision du monde, usant d’une ironie dénuée de méchanceté au détour de moultes anecdotes truculentes, de formulations hilarantes (la première phrase de son roman précédent, La petite femelle, était : « Je suis comme les bébés, quand la nuit tombe, j’ai besoin d’un whisky » ça vaut « Longtemps je me suis couché de bonne heure » non ?), et de digressions éclairantes pour percevoir le destin de ce personnage dont la propension à être une Superstar s’arrête dès la fin du titre. Lire Jaenada est un plaisir jubilatoire dont il serait dommage de se priver.

Jérôme

Conseillé par (Libraire)
26 août 2016

Dans un style vif et drôle, Joseph O’Connor nous narre, dans son nouveau roman, les aventures d’un groupe de rock du début des années 80 issu de la riante bourgade de Luton qui, à force de galères, a atteint un certain succès. C’est raconté du point de vue du guitariste, Robbie, aussi sensible et intelligent qu’inhibé. The Rise and Fall, le classique du monde de la musique populaire, de la rencontre avec les autres membres du groupe (l’excentrique Fran, la brillante Trez, le solide Sean) jusqu’à la désillusion de la fin d’une parenthèse enchantée. Le roman exprime alors cette forme d’amertume particulière de ceux qui rejoignent la cohorte des humains ayant un bel avenir derrière eux. Un livre dans lequel on entre en riant pour en sortir étrangement ému.

Jérôme